Chapitre I - Une rencontre inattendue
17 Novamaire 640 - Brâkmar
Si Myrialuna s'écarte ainsi de la civilisation pour prendre son repas, c'est simplement qu'à la vue de sang, elle est éprise de vives pulsions meurtrières. Il est donc plus sage pour elle de ne pas se trouver dans une taverne lorsqu'elle mange la chair d'une bête.
Son repas terminé, elle décide alors de se reposer à la taverne Atolmond, où elle a une chambre attitrée. Le gérant, elle le connait depuis qu'elle est petite. Elle venait avec son père dans cette taverne, et elle jouait avec les petites chaises en os pendant que son père parlait affaire. Lorsqu'il a disparu subitement, Aldir le gérant n'a trouvé comme idée que d'offrir une chambre à la fille de son vieil ami.
Sortant des égouts, et après quelques minutes de marche, elle se retrouve devant cette grand taverne. Une désolation. Les murs sont noirs comme le cœur corrompu des Brâkmariens, les vitres sont sales et petites, la porte principale semble immense.
Elle pousse cette lourde porte, faite en Oliviolet, pour y trouver la chaleur et l'effervescence d'une taverne à l'heure de pointe. Au moins une trentaine de personnes sont attablées ou accoudées aux tables, comptoir, et bavardent avec intérêt autour d'une chopine.
Pas à pas, regards après regards, elle arrive enfin au comptoir où Aldir, qui a l'air pour l'instant bien occupé par les clients, lui prépare par habitude un verre de Lailait qu'elle monte dans sa chambre. Mais cette fois, rien. Aldir l'interpelle alors.
<< Hé, Myria ! Tu vas bien ? ... Regarde moi dans quel état tu es, tu devrais aller prendre un bon bain. >>
<< Aldir... mon Lailait, où est-il ? Fatiguée.. je suis fatiguée. >>
<< Ah oui, excuse moi. Je l'ai monté dans ta chambre, tu peux y aller c'est ouvert. >>
Sans perdre une seconde, Myrialuna emprunte l'escalier noir qui monte vers les chambres. Toutes les portes sont verrouillées, sauf la sienne. Elle est entrouverte, et on y aperçoit le feu de la cheminée faire danser les ombres dans la pièce.
Elle s'approche sans un bruit, la même dague qui a servit dans la nuit à la main, encore pleine de sang. Quiconque peut se trouver ici.
Elle jette un coup d'œil discrètement : une personne capuchonnée est assise sur le lit, et regarde par la fenêtre.
En un éclair, elle porte le couteau sous la gorge de l'inconnu. Ce dernier, d'un calme déconcertant, entame la discussion
<< Myria ? Tu ne reconnais donc pas ton vieux père...?>>
Elle recule, tremblottante. Myrialuna prend le temps d'observer des pieds à la tête cet homme, à qui Xélor n'a pas fait de cadeau, tellement il semble avoir perdu de sa vigueur.
<< Père ? Je vous croyais mort il y a de cela des années.. je n'y croyais plus...>> lâche-t-elle avant de fondre en larme.
Ils s'enlacent. Le père tente de calmer sa fille.
<< Tiens, bois le Lailait qu'Aldir t'a apporté, pendant que je te raconte ce qu'il m'est arrivé. >>
Myrialuna s'installe sur un siège en peau de porkass, devant le feu, et écoute avec attention le récit de son père.
Pendant des années, il a erré, après qu'il ai trouvé une carte censée le mener à un objet rarissime d'une valeur incalculable.
Il a parcouru tout le continent, toutes les îles, jusqu'à finalement trouver ce qu'il cherchait : les Dagues Légendaires de Sang, forgées au souffle embrasé de Spiritia, le dragon du feu, et qui renferme tous les vices du Monde des Douzes.
Abasourdie et émerveillée à la fois par cette nouvelle, Myria questionne son père à de multiples reprises jusqu'à lui demander de la lui montrer.
Il délie les nœuds qui maintiennent le tissu beige en place, et dévoile alors les dagues.
Magnifiques. Elles sont fines, mais aussi résistantes que les écailles du Crocabulia. Des lames noires, brillantes comme la nuit, entourées d'un fin nuage de sang qui plane comme par magie autour.
<< Mais, Père.. pourquoi m'abandonner et risquer votre vie pour ramener un tel trophée ?>> le questionne t-elle
<< Ces dagues, ma fille, sont parmis les plus puissantes de notre monde. Et elles sont destinées seulement à des personnes qui possède un avenir prometteur. Le tiens l'est, j'en suis persuadé, ces dagues sont donc les tiennes désormais.>>
En silence, doucement, elle prend les dagues dans les mains.
Un épais voile noir enrobe le corps de Myrialuna. Il se dissipe après quelques instants, et montre alors une femme changée.
Elle est vêtue d'une longue robe noire, avec pour seul motif, un œil de sang dans le dos..